A PROPOS DE LA PROPOSITION INSTITUTIONNELLE ET STATUTAIRE DE LA MARTINIQUE

 

Suite aux échanges menés au cours de la réunion des membres et adhérents du 21 novembre 2009 sur les propositions d’évolution institutionnelle et statutaire de la Martinique, le Comité Directeur de l’AM4, au cours de sa réunion extraordinaire du mercredi 09 décembre 2009, a adopté la réflexion suivante.

 

Notre association a très vite compris que les efforts pour la préservation et le développement de la culture martiniquaise ne peuvent aboutir fondamentalement qu’avec l’avancée de la lutte pour la décolonisation de la Martinique. Aussi, a-t-elle très tôt considéré ses efforts comme une contribution à cette lutte. Elle a souligné aussi que, par décolonisation, il faut entendre la reconnaissance par l’Etat français de l’existence de la nation et du peuple martiniquais, de son droit à l’autodétermination et à la mise en place d’un pouvoir martiniquais (dont les formes et l’étendue sont à décider par les Martiniquais eux-mêmes). Dans ses Assemblées générales ordinaires d’octobre 2008 et 2009, prenant en compte l’évolution de la situation en Martinique, elle a déclaré « apprécier toutes les initiatives, tous les efforts pour domicilier des pouvoirs de plus en plus importants en Martinique ».

Les élus martiniquais, réunis en Congrès ont fait des propositions pour une évolution institutionnelle et statutaire de la Martinique. Certes, on n’a pas là une réunion des conditions indispensables à une véritable décolonisation. Cependant, cette évolution proposée implique une simplification administrative et la domiciliation à la Martinique, en partie ou en totalité, d’un certain nombre de compétences. En ce sens, elle crée l’opportunité, après la remise en cause de l’assimilation culturelle, de sortir de l’assimilation législative et administrative et de pouvoir bénéficier ainsi d’une marge de manœuvre plus importante pour la défense de l’existence de notre peuple et de ses intérêts. Au cours de l’action que nous développons depuis vingt trois ans maintenant contre l’assimilation, nous avons souvent ressenti l’absence d’une véritable possibilité de décision par et pour les Martiniquais. Aussi ressentons-nous fortement la nécessité d’une domiciliation de compétences pour la définition et l’organisation de politiques culturelles et éducatives favorisant la préservation et le développement de la culture martiniquaise.

 

Il faut entendre les interrogations, les inquiétudes, les réticences. Elles sont légitimes. Elles traduisent un besoin d’information, un attachement aussi à des droits chèrement gagnés dans la lutte contre le colonialisme ; elles traduisent malheureusement aussi les difficultés à nous dégager de ce sentiment collectif d’infériorité et d’incompétence qu’on nous a inculqué et à envisager une autre voie que l’assimilation à laquelle nous avons été habitués. Il y a bien des raisons de dire non à l’actuelle proposition d’évolution institutionnelle et statutaire. Et Il y a bien des raisons de dire oui. Il s’agit, en fait, d’un choix de société. Voulons-nous, malgré les embûches, aller vers la Responsabilité, vers une plus grande gestion de nos affaires par nous-mêmes ? La mise en place d’un nouveau cadre statutaire, en organisant une plus grande responsabilité collective, peut enclencher une véritable dynamique collective et individuelle de responsabilisation, une véritable mutation culturelle. Qui doute que notre société en a un besoin vital ?

Il est vrai qu’il existe certains risques liés à l’attitude de l’Etat français (bien que risques limités aujourd’hui par certaines conquêtes du peuple français et des peuples d’Outre-mer inscrites dans la constitution française et dans la pratique politique). Nous connaissons ces risques depuis longtemps. Nous les avons éprouvés tout au long de notre histoire. Nous savons qu’ils existeront en permanence. Nous savons que l’Etat français est avant tout préoccupé par ses intérêts et non par ceux de notre pays. Mais nous avons accepté et affronté ces risques pour la conquête de libertés démocratiques. Nous les avons acceptés et affrontés dans la lutte pour la conquête des droits sociaux. Pourquoi ne pourrions-nous pas les affronter pour la conquête de plus grandes responsabilités ? Aurons-nous, avant longtemps, une autre opportunité de disposer de certains outils à portée de main qui peuvent nous aider à faire face à l’urgence des problèmes qui se posent à notre société ?

 

Pour sa part, compte tenu de son action, de sa sensibilité, de ses expériences culturelles, il est normal pour l’AM4 de se reconnaître dans l’alternative d’une évolution institutionnelle et statutaire la plus large possible, c'est-à-dire, aujourd’hui, dans celle de la mise en place d’une collectivité unique gérée par une assemblée unique dans le cadre de l’article 74 de la constitution française.

 

Fort-de-France,

le 09 décembre 2009